Reconnecter au miracle de la vie

par Romain Rastoin, le 3 novembre 2021

Et voilà, encore, je suis encore tombé dans l’apathie, l’insatisfaction, la résignation. Encore une fois, je me dis que je ne vaux pas grand-chose, le sentiment d’imposteur monte en moi et je désespère d’arriver un jour à accomplir quelque chose que je juge valable.

Cette boucle mentale qui rationnellement n’a pas de sens, mais que je connais bien, a bien des allures de cercle vicieux. Quand elle se met en route, elle engouffre toute mon énergie et ma joie et me plonge dans les abysses de la victimisation, du manque et de la moralisation.

Et puis là, juste là, je me tourne et je vois le soleil qui se couche entre les arbres devant la maison et à cet instant je me souviens, « Romain, la vie est un miracle », et tout ce qui semblait sombre s’illumine.

Le miracle, notre nature profonde

Lorsque nous sommes bébé et jusqu’à un jeune âge, environ 4-5 ans tout dépendant des expériences, tout ce qui se passe, émerge dans le champ de la conscience qui nous traverse. D’une façon tout à fait inconsciente et extraordinaire, dans ces premières années de vie, nous faisons Un avec cet univers et tout ce qui y jaillit. La vie est un miracle et nous sommes la vie, nous sommes le miracle.

Cette vie est entière, elle Est simplement, et elle traverse l’Être de ces enfants qui l’exprime sans vraiment de retenue. Parfois cette vie est souriante, câline, adorable, riante et parfois elle est bruyante, chaotique, crottée et colérique, au grand bonheur et malheur des parents. Elle est la joie et la tristesse, la peur et la paix, l’amour et la colère et c’est avec fluidité qu’elle s’exprime chez l’enfant qui peut passer par tout le spectre des émotions en quelques instants. Dans cette fluidité, la peur se métamorphose en joie en quelques secondes à la suite d’un bisou de Maman sur un bobo, le plus grand éclat de rire succède aux plus grands pleurs et le « petit amour » calme et doux se transforme en un « petit monstre » colérique pour redevenir doux un instant plus tard.

J’ai la sensation que cette fluidité qui s’exprime chez l’enfant vient de la presque totale absence de jugement de soi de l’enfant sur ce qui émerge dans le moment présent. C’est comme si tout était un miracle pour l’enfant, la joie, comme les pleurs, la douleur, comme le plaisir, toutes les sensations, et que tout était accueilli comme tel, avec émerveillement et sans jugement. Mon interprétation, c’est que le miracle est tellement naturel chez l’enfant et qu’il fait tellement Un avec son univers qu’il n’existe aucune distinction entre ce qui pourrait être jugé, avec nos yeux d’adultes, comme un miracle et ce qui ne mérite pas la mention « miracle ».

La perte de l’innocence

Mais voilà, un jour à travers les formidables capacités mimétiques et adaptative de ce cerveau plastique dont la nature nous a doté, nous nous adaptons à ce paradigme dans lequel nous sommes nés. Un peu comme des grenouilles qu’on a installées tranquillement dans une casserole sur le feu, dans une eau encore parfaitement tempérée, et qui en viennent à s’adapter à cette eau de plus en plus chaude jusqu’à en mourir, nous arrivons dans ce monde, êtres parfaitement innocents et éveillés, et progressivement nous nous accordons et entrons dans le moule d’un paradigme ontologique qui a depuis longtemps été instauré. Ce paradigme qui édicte implicitement ce que c’est que d’être humain est à la fois déjà là à notre naissance et surtout a toujours été là, dans la mesure où ni nos parents, ni nos grands-parents ou nos ancêtres, aussi loin qu’on s’en souvienne, n’ont choisis consciemment cette « réalité ». Alors le choix inconscient de ce « moule humain » se transmet de génération en génération sans vraiment être remis en question, excepté peut-être dans certains instants de méditation de réalisation ou de relâchement profond.

L’émergence du jugement

Ainsi, dans ce paradigme, nous devenons grand.es et sérieux.se et le filtre de nos perceptions s’installe en réponse aux regards et aux validations de nos proches et en observation de ce monde qui devient progressivement « extérieur », « là-bas », tandis que nous, « ici », nous devenons de plus en plus ancré dans un « Moi », un « ego », une personnalité qui se définit, se structure, se fige. Ce qui faisait jusqu’alors « Un » devient dual et nous interagissons désormais avec le monde comme si nous en étions véritablement séparés.

Nous développons ainsi la capacité à juger, à évaluer, à qualifier ce qui nous entoure et plus intéressant encore nous-même. On apprend qu’il y a une bonne façon de faire, qui fait émerger l’approbation autour de nous, et une mauvaise façon de faire qui génère au mieux des « gros yeux », des réprimandes ou au pire « des coups ». On apprend qu’il y a des bonnes choses dans la vie et des mauvaises choses. On apprend qu’en ayant des bonnes notes, nous avons plus de valeur que ce qui ont de mauvaises notes et les circuits de la récompenses s’activent dans le cerveau. 

La transe de la personnalité

À travers ce modelage, nous devenons progressivement préoccupés de plus en plus par notre propre image et par le développement de stratégies pour bien paraître aux yeux de la société, d’un groupe, d’une personne importante pour nous ou tout simplement de nous-même.

Nous entrons dans une sorte de transe, d’hypnose qui nous empêche de voir la vie comme elle est, car celle-ci passe à travers le filtre de notre personnalité et qui nous habite la majorité de notre vie. Tara Brach, une enseignante bouddhiste et psychologue américaine que j’aime beaucoup, parle de cette transe et dans un de ces derniers entretiens 1 cite Pema Chödrön, une autre enseignante bouddhiste qui dit :

« Être préoccupé par notre propre image, c’est comme être sourd et aveugle. C’est comme se tenir dans un immense champ de fleurs sauvages et avoir un capuchon noir nous couvrant la tête. C’est comme arriver auprès d’un arbre d’oiseaux chantants tout en portant des bouchons d’oreilles »

Pema Chödrön

Ainsi, d’une certaine façon, le miracle, qui est déjà là et l’a toujours été, le « Tout », devient, en quittant l’innocence, « quelque chose », ce quelque chose qu’on recherche toute notre vie, en croyant que c’est quelque chose de spécifique. Nous ne nous rendons plus compte qu’il est là partout autour ne nous, en nous et dans tout ce qui nous relie, nous avons oublié.

Redevenir comme des enfants, la clé du miracle

Et si en fait le secret pour retrouver la joie, la paix d’esprit et la sensation d’amour inconditionnel dans notre vie était de retrouver les qualités innées des enfants ?

La pause émerveillée

Une des clés pour sortir de la transe dont parle Tara Brach dans son exposé est de développer ses qualités d’investigations actives face à ce qui est présent. Cette curiosité d’investigation ne vise pas à comprendre la source ou la signification de ce qui est présent, mais simplement à l’observer, à approfondir cette présence elle-même. Ainsi, “Qu’est-ce qu’il se passe maintenant, réellement ?” est possiblement une des questions clés les plus utiles pour reconnecter au miracle. Henri Miller, auteur et artiste américain, dit qu’au “moment où l’on porte attention à quelque chose, un rien, même un simple brin d’herbe, cela devient un monde mystérieux, incroyable, indescriptible, magnifique en soi-même”. 

Ainsi l’émerveillement curieux pour ce qui est déjà là serait une des premières pratiques pour observer à nouveau le miracle dans nos vies. Selon Geräld Huther, neurobiologiste allemand, les enfants de trois ans s’émerveillerait de 50 à 100 fois dans leur journée, chaque chose étant ce fameux monde merveilleux que décrit Henri Miller 2. Alors prenons plus de pause dans nos journées, pas forcément de longues pauses, juste 1, 2, 5 minutes pour observer la présence, observer notre monde.

La fluidité libératrice

La deuxième qualité enfantine qui me vient est celle de la fluidité, cette fluidité qui laisse traverser ce qui traverse sans s’y attacher. Nous sommes des êtres émotionnels, mentaux, kinesthésiques, éthériques et nous sommes en même temps beaucoup plus que ça. Notre nature est indéfinissable et pourtant nous nous attachons, souvent inconsciemment, à ce qui semble nous définir, à nos émotions, à nos pensées, à nos caractéristiques physiques. Toutefois, tous ces processus, ces mécaniques chimiques, ces énergies en mouvement (E-Motion), ces influx mentaux sont tous des éléments qui nous traversent et qui passent toujours. Pouvez-vous dire avec certitude, sans l’ombre d’un doute, “JE pense”, “JE suis triste”, “JE suis laid” ? Et qui est ce “JE” ? Est-ce que nous ne serions pas plutôt pensés par cet esprit, mis en mouvement par ces émotions, transformées par ces réactions atomiques ? 

Que se passerait-il si nous nous laissions traverser comme ces enfants pour qui les pleurs sont des pleurs et non de la tristesse, pour qui l’intensité et la chaleur qui bout dans le corps sont juste ça et non de la colère ? Ces enfants pour qui les idées restent des idées qu’ils ont et non qui leur appartiennent ?

Je crois ainsi que la deuxième clé pour refaire jaillir cette fluidité est l’accueil de ce qui passe, dans la maturité de l’adulte en nous qui soutien, supporte et peut prendre dans ses bras ces émotions et ces pensées. Cet adulte bienveillant que nous faisons grandir en nous avec la pratique. L’accueil qui s’ancre dans l’observation curieuse de ces cadeaux d’évolutions.

Jill Bolte Taylor, neuroscientific, écrit dans son livre “My stroke of insight” que la durée de vie d’une émotion dans le corps et le cerveau, lorsqu’elle est accueillie, est de seulement 90 secondes 3. Le problème serait alors le jugement de l’émotion et la contraction autour de l’événement ou du sens que l’on met autour de celle-ci, l’égo qui souhaite juger, se renforcer. Ici aussi, la présence et l’observation bienveillante de tous ces mécanismes et la pratique d’exercices qui permettent de se ramener dans un état de relâchement nerveux, moins contracté autour du sens, sont une des clés pour se réouvrir au miracle.

Et si tout était un miracle ?

De nombreux sages, dans de nombreux domaines ont émis la pensée ou l’hypothèse que tout est un miracle. Einstein, physicien et Sadghuru, sage indien, ont tous deux la même vision.

“Il n’y a que deux façons de vivre sa vie : l’une en faisant comme si rien n’était un miracle, l’autre en faisant comme si tout était un miracle.”

Einstein

“Le vrai miracle de la vie n’est pas dans le fait que vous fassiez quelque chose, mais que vous réalisiez que la vie est déjà un immense miracle.”

Sadghuru 4

Et, je pense que c’est là que commence le plus gros challenge pour chacun d’entre nous. Si tout est un miracle, alors, tout ce qu’on interprète comme de la souffrance le serait aussi. Ainsi, notre vrai chemin et notre plus grand défi d’acceptation, d’observation et d’émerveillement se révèle, avec la promesse de se souvenir un jour de cet espace où la séparation n’existe pas et où le miracle est révélé dans toute sa puissance.

Romain Rastoin, Coach certifié, Hypnologue et Accompagnant en Masso-Transcendantale

Sources : 

1 – Tara Brach – Wise investigation (eng) – https://www.tarabrach.com/wise-investigation-3/

2 – Conférence de Geräld Hüther – https://fr.wikipedia.org/2 https://montessori-apprendreautrement.com/conference-neurobiologiste-gerald-huther/

3 – Jill Bolte Taylor (eng) – https://www.livingthemess.com/the-lifespan-of-an-emotion/

4 – Sadghuru sur le miracle (eng) – https://isha.sadhguru.org/ca/en/blog/article/real-life-true-miracle-greatest-stories

About Romain Rastoin

Romain guide les gens à connecter à leur innocence et au pouvoir immense de leur imagination pour une vie vibrante d’enthousiasme, d’émerveillement et de paix d’esprit. Il aime imaginer un monde où nous jouons, comme des enfants, à générer en nous l’aisance, la fluidité, le courage, la confiance, l’audace qui semble parfois nous manquer pour entreprendre les jeux de notre vie qui sont vraiment importants pour nous.

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